Le 7 octobre 1973, jour du déclenchement de la guerre de Kippour, Pourquoi Israël est présenté pour la première fois au Festival de New York. Il s’agit du premier film de Claude Lanzmann, journaliste et intellectuel français réputé, alors âgé de 47 ans.
Les prémices de la création du film débutent vingt ans plus tôt, lorsqu’en 1952, Claude Lanzmann est envoyé par le journal Le Monde en Israël afin d’écrire un article sur ce nouveau pays alors en construction. À son retour, il partage son ressenti avec Sartre et Beauvoir : « J’avais rencontré là-bas tout un monde, une religion et des traditions séculaires, un peuple à sa façon sujet de l’Histoire, malgré pogroms, persécutions, holocauste. »
À vif, bouillonnant de revendications face à la découverte de ce nouvel État juif, Lanzmann est alors incapable de condenser son expérience et n’achève pas son article pour Le Monde. Sous les conseils de Sartre, il ébauche l’écriture d’un livre mais l’abandonnera une centaine de pages plus tard.
Pendant des années, Lanzmann approfondit sa connaissance du pays en y retournant à plusieurs reprises. En 1967, il fait notamment un long séjour en Israël afin de préparer pour Les Temps Modernes, un numéro spécial de mille pages, consacré au conflit israélo-arabe, dans lequel les Arabes avaient consenti pour la première fois à figurer avec les Israéliens dans une même publication.
Vingt ans plus tard, ce reportage non réalisé, ce livre avorté, de longues années d’expérience et de maturation sont devenus Pourquoi Israël.
Comment Israël, en la personne des Israéliens, se perçoit-il ? Quels sont ses fondements politiques et religieux ? D'où viennent ses habitants ? Claude Lanzmann donne la parole aux citadins, aux colons, aux sionistes, aux soldats, aux kibboutzniks, à deux professeurs, un banquier et un docker, des immigrants russes et des Mizrahim… Il nous fait vivre en direct les multiples facettes, parfois contradictoires, de la société israélienne.
Si la période de préparation et de production du film s’avère longue et laborieuse faute de moyens, le tournage de Pourquoi Israël se passe relativement vite car le réalisateur dit « savoir avec précision ce qu’il veut transmettre ». Il y montre, sans propagande ni manichéisme, les accomplissements et les contradictions de la nation israélienne en train de se forger. On retrouve à travers le film deux leitmotiv métaphysiques : la contradiction de normalité et d’anormalité de l’existence d’un État juif ainsi que la question sans fin ni réponse peut-être : « Qui est Juif ? Who is a Jew? ».
L’accueil critique du film est bon en France et en Israël. Notamment auprès du gouvernement Israélien puisque c’est après avoir vu Pourquoi Israël que Aluf Har Even, directeur de département au Ministère des Affaires étrangères, convoque Lanzmann pour le congratuler et lui insuffler l’idée qui fera la renommée mondiale du réalisateur : tourner un film sur la Shoah, un film embrassant l’événement dans sa totalité et sa magnitude, un film du point de vue des Juifs : Shoah.